Psychodrames: notre approche
Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps. Giorgio Agamben
Une forme cherche
à naître
hésite s’affirme
cède au doute
se reprend…
disparaît à nouveau
reparaît à nouveau
développant
un nouvel espace
un nouveau rythme
exigeant un nouvel œil…
Le peintre Bram Van Velde
Le psychodrame analytique indépendant (indépendant au sens de Winnicott : dans un moment où, sommé de prendre parti entre les théories d’Anna Freud et de Melanie Klein,Winnicott fonda avec quelques autres le groupe des Indépendants, affirmant dans son geste que l’étonnement venu de la clinique domine. Une théorie ne peut le circonscrire.) est une association composée de praticiens ayant expérience de la psychanalyse et du psychodrame analytique en institution, en libéral et de futurs psychodramatistes décidés à se former.
Dans la forme que nous déployons, le psychodrame est un travail psychothérapique dans un atelier limité à une dizaine de participants. A partir du récit singulier d’un participant, l’analyste psychodramatiste animant la séance suscite le passage vers une mise en espace. Cet espace devient celui de la création d’un jeu. Ce jeu effectue une condensation du récit, souvent autour de la trahison de la parole, se resserrant sur cette question :
quand la parole est trahie, comment en retrouver l’émotion abrasée qui s’y trouvait nouée et la force de répondre?
Cette trahison, source de perte de confiance en l’autre comme en soi est vécue dans la solitude. Mais, la solitude peut venir d’ailleurs. Exemple : un homme se découvre incompris de la femme aimée. Il se demande pourquoi sa femme revient à la même place, place d’où elle profère des reproches durs à entendre. Il en donne une illustration : autour d’un constat infime, constat formulé à sa compagne : il manque un peu de sel dans la soupe. Il le dit et ça éclate.
La scène est mise en espace. Il choisit une femme présente dans le groupe pour représenter celle qui partage sa vie. Il cherche à lui expliquer comment ils ont pu en venir là, mais cette femme annonce ne pas avoir besoin de précision sur la place à tenir, l’intuition de la scène lui venant de 10 années de vie commune.
Les deux convives commencent leur repas et la remarque sur le sel déclenche des échanges dont la vivacité est interrompue, curieusement, par le rire de cet homme.
Reprenant parole, ce participant dit ne pas en revenir : cette femme qui ignorait tout de la scène a trouvé les mots exacts prononcés par cette autre absente qui partage sa vie. Il ponctue, entrevoyant un nouvel horizon.
Il venait se plaindre et sa plainte éclate avec ce rire, lui restituant soudain la part qui est la sienne dans ce qui lui arrive. Une des grandes craintes en psychodrame est d’être exposé devant les autres.
Et, il n’est pas rare de voir la crainte virer à la surprise, par la forme de l’exposition.
Si exposition il y a, en psychodrame, elle n’est pas aux yeux des autres. C’est à ses propres yeux décillés qu’il arrive que l’on s’expose, retrouvant ainsi une occasion de penser l’énigme du quotidien.
Au delà de sa plainte, il se trouve riche d’une question, une occasion se présente de penser avec et contre soi. Le jeu devient un pré-texte à quitter une part de sa part d’ombre. C’est possible pour celui qui joue comme pour chaque participant de l’atelier.